Retour

Sortir de l’illusion de la prospérité assurée par l'État

Sortir de l’illusion de la prospérité assurée par l'État

Dans un pays, l'amélioration du niveau de vie de sa population est intrinsèquement liée à l'augmentation de la quantité et de la qualité des biens et services ayant une valeur marchande, et ce, à un rythme supérieur à la croissance démographique. Cette dynamique soulève une question fondamentale : qui sont les véritables artisans de cette élévation du niveau de vie ?

 

La réponse à cette interrogation est bien connue : ce sont les entrepreneurs qui jouent ce rôle crucial. Ces acteurs économiques prennent des risques en investissant leur capital pour créer des emplois et générer une production de biens et de services. Ces produits sont ensuite proposés sur le marché, où les consommateurs ont la liberté de les acquérir ou non.

 

Le succès de ces entrepreneurs dépend de leur capacité à effectuer des calculs précis. Après avoir rémunéré le capital et le travail aux prix du marché, s'il leur reste un excédent, celui-ci constitue le profit. Ce bénéfice peut être réinvesti dans leur activité existante ou dans de nouveaux projets, alimentant ainsi le cycle de croissance économique. Cependant, si les pertes deviennent trop importantes, ces entreprises risquent de disparaître. La sélection naturelle des entreprises les plus performantes et adaptées au marché s'opère, tandis que celles qui ne parviennent pas à s'ajuster sont éliminées. Cette réalité, parfois brutale, explique pourquoi l'entrepreneuriat n'attire qu'un nombre limité de personnes prêtes à relever ce défi. Toutefois, c’est bien l’entrepreneuriat qui est le moteur du développement d’une nation.

 

Cependant, cette antique leçon sur la croissance économique est étrangère aux dirigeants béninois. L’on continue de croire que le développement est l’œuvre de l’État et de ses dépenses publiques massives, soutenues par la dette. Cette idée, pourtant ancrée dans l’imaginaire économique de nombreux gouvernements, mérite d’être sérieusement remise en question. Cette conception, héritée d'une interprétation simpliste du keynésianisme, ignore les mécanismes fondamentaux de l'économie de marché et les conséquences à long terme de l'interventionnisme étatique. Premièrement, l'économie est un système complexe dont aucun planificateur central ne peut prétendre avoir une connaissance parfaite. L'État, malgré ses bonnes intentions, ne peut anticiper efficacement les besoins du marché ni allouer les ressources de manière optimale. Seul le libre jeu des forces du marché, guidé par les prix et les signaux qu'ils transmettent, permet une allocation efficiente des ressources. L'interventionnisme étatique et l'accumulation de dette publique ont des effets pervers à long terme. Effet d'éviction : les emprunts d'État captent l'épargne au détriment des investissements privés productifs. Distorsion des incitations : les subventions et régulations faussent les signaux du marché et encouragent des comportements économiquement inefficients. Poids fiscal : le remboursement de la dette impose un fardeau aux générations futures, freinant la croissance à long terme. Dépendance : l'omniprésence de l'État étouffe l'initiative privée et l'innovation, véritables moteurs de la croissance.

 

L'État n'est jamais en mesure de saisir les besoins et aspirations spécifiques des individus mieux que ceux-ci ne le pourraient eux-mêmes. Cette « présomption fatale » d'un État omniscient détruit la spontanéité du marché, laquelle est pourtant au cœur de l'innovation et de l'efficacité économique. Lorsque l'État béninois intervient massivement en allouant des budgets publics aux secteurs qu'il juge stratégiques, il empêche la libre concurrence et limite les opportunités d’investissement pour les entreprises privées. Dans ce contexte, les ressources ne sont plus allouées en fonction de leur rendement économique, mais en fonction de la vision d’une administration déconnectée du terrain. Ce détournement de la dynamique du marché conduit souvent à une « économie de rente », où seules les entreprises proches du pouvoir bénéficient réellement des dépenses publiques, au détriment de l’ensemble du tissu économique. Un État qui s’approprie l’initiative économique asphyxie la société. En assumant le rôle de « moteur de la croissance », il repousse l’initiative individuelle, annihilant la créativité et limitant la responsabilité des individus. Cette dépendance crée des citoyens assistés et non des entrepreneurs, ce qui mène inévitablement à une stagnation économique.

Une économie où l'État est le principal moteur de croissance est une économie de « fausses promesses ». L’on s’accorde pour dire que le rôle légitime de l’État est de fournir un cadre juridique et de protéger les libertés individuelles, non d’assumer le rôle de producteur. La dette publique devient, sous prétexte de développement, une arme pour asservir l’économie aux besoins de l’État. Au lieu de laisser les individus décider où investir leurs ressources, l’État décide pour eux, limitant ainsi leur capacité à innover et à entreprendre.

 

Alexis de Tocqueville, en parlant de la France, écrit ceci dans son livre Souvenirs : “La vérité est, vérité déplorable, que le goût des fonctions publiques et le désir de vivre de l’impôt ne sont point chez nous une maladie particulière à un parti, c’est la grande et permanente infirmité de la nation elle-même ; c’est le produit combiné de la constitution démocratique de notre société civile et de la centralisation excessive de notre gouvernement ; c’est ce mal secret, qui a rongé tous les anciens pouvoirs et qui rongera de même tous les nouveaux.” Je ne changerai pas le moindre mot à propos du Bénin. Regardons les faits. « Un bon croquis vaut mieux qu'un long discours » (Napoléon Bonaparte)

 

 

Le graphique montre l’évolution du PIB et de la dette publique du Bénin de 2000 à 2023, avec deux échelles distinctes : la gauche en valeur absolue (en milliards de dollars américains) et la droite en base 100 (avec l’année de base 2016). La courbe grise (indice en base 100) montre une croissance relativement constante du PIB ; celui-ci a augmenté de 64% depuis 2016. La ligne jaune, qui représente l'indice de la dette en base 100, montre une accélération de l’endettement bien supérieure à celle du PIB. En effet, depuis 2016, l’indice de la dette augmente beaucoup plus rapidement que celui du PIB, traduisant une accumulation de dette plus rapide que la croissance économique. 

 

La croissance économique du Bénin repose en grande partie sur des dépenses publiques financées par la dette. Ce n’est pas une opinion, mais un fait. Entre 2016 et 2023, le PIB du Bénin a augmenté de 8 milliards de dollars américains. Sur la même période, la dette publique béninoise a augmenté d’environ 7 milliards de dollars américains. Concrètement, pour faire 1 dollar US de croissance du PIB, le Bénin fait 0.875 dollar US de dette. De plus, comme le montre le graphique, la ligne jaune est au-dessus de la ligne grise sur toute la période 2016-2023. Cela signifie que la croissance du PIB est plus faible que la croissance de la dette sur cette période. La dette publique est souvent justifiée par la nécessité de financer des infrastructures et de soutenir l’économie. Mais, lorsque cette dette croît plus rapidement que l’économie elle-même, elle devient un fardeau qui se répercute sur les générations futures. L’endettement excessif des États est une forme de spoliation des générations futures, condamnées à rembourser les erreurs du passé.

Au Bénin, cette augmentation rapide de la dette publique, sans un accroissement équivalent de la productivité et de la production de richesse, menace la soutenabilité budgétaire à long terme. Le service de la dette, c’est-à-dire le remboursement des intérêts et du capital emprunté, risque de peser de plus en plus lourd dans le budget de l’État, au détriment des investissements dans des secteurs cruciaux comme la santé, l’éducation et la formation des jeunes.

 

Il est essentiel de comprendre que l’illusion de la prospérité par l’endettement est une voie dangereuse. Pour le Bénin, l’heure est venue de réévaluer ses priorités. Le développement ne peut reposer uniquement sur l’argent emprunté, car ce modèle comporte des risques économiques et sociaux majeurs. L’adhésion au keynésianisme béat risque de nuire gravement à l'économie béninoise.

Retour
Made with
Paramètres des cookies
Ce site utilise des cookies pour améliorer votre expérience de navigation sur le site. En cliquant sur accepter, vous consentez à l'utilisation de tous les cookies.

Paramètres des cookies

Nous utilisons des cookies pour améliorer l'expérience utilisateur. Choisissez les catégories de cookies que vous nous autorisez à utiliser. Vous pouvez en savoir plus à propos de notre politique en matière de cookies en cliquant sur Politique en matière de cookies ci-dessous.

Ces cookies activent les cookies strictement nécessaires pour la sécurité, la prise en charge de la langue et la vérification de l'identité. Ces cookies ne peuvent pas être désactivés.

Ces cookies collectent des données afin de mémoriser les choix d'utilisateurs et permettent d'améliorer l'expérience utilisateur.

Ces cookies nous aident à comprendre comment les visiteurs interagissent avec notre site Web, nous aident à mesurer et à analyser le trafic pour améliorer notre service.

Ces cookies nous aident à mieux diffuser du contenu marketing et des publicités personnalisées.