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Ratification du traité de la Zlecaf par le Bénin : je dis OUI

Ratification du traité de la Zlecaf par le Bénin : je dis OUI

Le but de cette livraison est de démontrer à travers trois arguments, ou plus exactement trois types d’argument, pourquoi le Bénin tirera profit de la Zlecaf et a donc tout intérêt à ratifier l’accord.

Commençons par les fondamentaux : Qu’est-ce que la Zlecaf ?

La zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) est un projet de zone de libre-échange sur l'ensemble du continent africain. L’objectif de la Zlecaf est de créer un continent sans barrière tarifaire et non tarifaire qui puisse stimuler le commerce et l’investissement interafricain. Le traité instaurant la Zlecaf vise l’accroissement du commerce intra-africain en éliminant, d'ici 15 ans au maximum, 90% des taxes douanières sur les biens et les services. Et là, le lecteur pourrait se dire, mais pourquoi on s’embête à une zone de libre échange continentale. Eh bien, la raison est qu’il y a des aberrations sur le continent africain en matière de commerce. Par exemple, le commerce intra-africain ne représente que 17% du commerce total du continent. Ce chiffre est de 70% pour l’Europe et 58% pour l’Asie. Autre anomalie : le Kenya est un grand exportateur de fleurs, mais le Nigeria en importe des Pays-Bas. De même, l'huile de palme du Kenya provient majoritairement de la Malaisie, plutôt que du Nigeria. Donc, pour caricaturer, l’objectif de la Zlecaf, c’est de voir des fleurs kényanes dans les rues de Lagos et de l'huile de palme nigériane en vente à Nairobi.

A ce jour, le traité de la Zlecaf totalise en tout 54 pays signataires. Parmi ces pays signataires, il y a 8 États non ratificateurs (Bénin, Libéria, Libye, Madagascar, Mozambique, Somalie, Soudan et le Soudan du Sud). Pour le cas du Bénin, la raison avancée pour justifier la non ratification se résume comme suit : parce que le Bénin est un pays à revenu essentiellement fiscal, il faut se méfier des dispositifs qui abolissent la fiscalité notamment celle de porte. Je crois que cette inquiétude est exagérée. Qu’il me soit permis de le démontrer au moyen de trois types d’argument : l’argument “principiel”, l’argument économique et l’argument “symbolique”. 

 

L’argument “principiel” réside dans la nécessité de rappeler les bienfaits de l’échange libre qui est le cœur du traité instituant la Zlecaf. Je veux rappeler ceci : l’échange est le socle du développement des sociétés humaines. C’est peut-être une vérité de La Palice mais, parfois, “il faut beaucoup de philosophie pour observer les faits qui sont trop près de nous” (Rousseau). Cette vérité est tellement ancrée dans nos habitudes que nous n’y faisons plus attention. 

Considérons un homme qui est un soudeur vivant à Cotonou, capitale économique du Bénin. En se levant tous les jours, il fait un geste commun au genre humain - il s’habille. Il est raisonnable d’imaginer que cet homme n’a pas le talent pour confectionner des vêtements donc il est obligé de payer son vêtement chez un marchand béninois. Ce dernier s’est approvisionné chez des tailleurs-couturiers togolais qui utilisent des tissus provenant des usines de textile d’Ethiopie employant du coton malien. Pour que le coton malien parvienne à l’usine de textile éthiopienne, il a fallu que des terres aient été défrichées, labourées et ensemencées, que le coton ait été récolté par de valeureux agriculteurs et que des spécialistes de la logistique acheminassent le coton jusqu’à l’usine. Avec son premier geste de la journée (s’habiller), notre ami soudeur imaginaire a mobilisé une centaine, un millier de personnes, une quantité inouïe de travail humain. De plus, il ne passera pas sa journée sans employer un peu d’huile, un peu de pain, un peu de sucre, un peu de tomates, etc. Je laisse le lecteur remonter le fil de la chaîne de fabrication de ces éléments. A son tour, cet homme soudera des machines qui seront employées peut-être dans des usines en Côte d’Ivoire ou en Tanzanie. Inutile de dérouler les éventualités. 

Ce que je veux dire via l’exemple ci-dessus est simple : Les hommes travaillent les uns pour les autres et, donc, échangent. C’est l’échange qui permet aux hommes de tirer leurs satisfactions de la société sans en payer la peine équivalente. Imaginez une société sans échanges : y vivre est un calvaire absolu. Manger quelque chose de banal comme un sandwich demande un effort considérable. Pourquoi ? Parce que vous devez (1) réaliser un potager où planter tous les légumes nécessaires (cornichons, tomates, oignons…), (2) prélever de l’eau de mer afin d’en récolter le sel, (3) mettre les cornichons mûrs en bocal fabriqué par vous-même, (4) traire une vache pour réaliser votre propre fromage et votre beurre fait maison, (5) récolter du blé qui a ensuite été moulu et transformé en farine, (6) recueillir du miel qui a été incorporé dans le pain, (7) réaliser son propre pain, (8) tuer une poule, puis l’apprêter et enfin (9) assembler le sandwich. D’ailleurs, un américain appelé Andy George s’est essayé à l’exercice. Pour réaliser le sandwich, cela lui a coûté 1500 $US et 6 mois de préparation avec un résultat que lui-même qualifie de not bad ! Dans un monde où les échanges sont possibles, cela lui aurait coûté au maximum 1h de travail pour gagner 10 $US afin de payer son sandwich. 

Le lecteur attentif comprend donc pourquoi il faut, quoi qu’il en coûte, faciliter les échanges. 

Contre les échanges se dressent les fleuves, les cours d’eau, le désert et autres obstacles ejusdem furfuris. Ces barrières sont naturelles et le genre humain essaie de les vaincre au moyen de la technique. Mais, il y a aussi malheureusement des obstacles non naturels (tarifs douaniers, réglementations, etc). Les gouvernements africains, d’un côté, dépensent des fortunes pour faire des infrastructures aux frontières afin de faciliter les échanges inter-pays et, de l’autre côté, dressent des barrières artificielles contre l’échange. Ânerie ! 

Sur le principe, la Zlecaf vise à abolir les obstacles à l’échange sur le continent africain. Pas de raison que cela ne soit bénéfique pour tout le continent et, donc, le Bénin. 

 

L’argument économique en faveur de la ratification de l’accord de la Zlecaf par le Bénin est évident. La phase opérationnelle de l’accord établissant la zone de libre-échange continentale africaine enclenché, devrait faire émerger un marché de 1,27 milliard de personnes, dont le PIB cumulé s’élève à 2460 milliards de francs et dont les dépenses totales des ménages et des entreprises dépassent 3900 milliards. D’après les estimations de la Banque mondiale, la Zlecaf va permettre d’augmenter les revenus de l'Afrique de 450 milliards de dollars d'ici à 2035 (soit une progression de 7 %) tout en ajoutant 76 milliards de dollars aux revenus du reste du monde, d’accroître de 560 milliards de dollars les exportations africaines, essentiellement dans le secteur manufacturier, d’augmenter de 10,3 % le salaire des travailleurs non qualifiés et de 9,8 % celui des travailleurs qualifiés et de sortir 30 millions d'Africains de l'extrême pauvreté en augmentant les revenus de près de 68 millions d'africains qui vivent avec moins de 5,50 dollars par jour. Pour le cas spécifique du Bénin, en faisant des simulations avec l’outil WITS de la Banque mondiale, on arrive à démontrer qu'à la suite de la mise en œuvre de la ZLECAf, la création et le détournement de commerce au Bénin devraient s'élever à 10,99 millions de dollars US et 3,70 millions de dollars US, respectivement, avec un effet commercial total de 14,70 millions de dollars US. Ceci n’est pas étonnant car l’échange, pourvu qu’il soit laissé libre, est toujours un jeu à somme positive. Bien évidemment, les retombées économiques vont prendre du temps à se manifester car l’opérationnalisation parfaite de la Zlecaf prendra entre 15 et 25 ans. Mais ceci ne peut être un argument opposable car c’est le lot de toute construction de zone de libre-échange.  

 

Abordons le dernier type d’argument : l’argument “symbolique”. Symboliquement, le Bénin doit ratifier la Zlecaf au risque de sortir de l’Histoire qui se fait. La Zlecaf donne une occasion unique à l’Afrique de démanteler sa structure économique coloniale totalement orientée vers l’extérieur. Sur le plan symbolique, c’est le rêve du panafricanisme qui prend forme ;  plus exactement, le panafricanisme houphouëtiste ou senghorien - celui de Kwame Nkrumah ou Ahmed Ben Bella restant un repère placé à l’horizon. La Zlecaf, c’est le panafricanisme économique. Que les pays africains qui hésitent encore à ratifier cet accord commercial soient rassurés ; ils en tireront bénéfice et satisfaction. Et, qu’ils n’oublient pas que, quand on empêche les biens de traverser les frontières librement, ce sont les soldats qui les traversent. 

 

Le Bénin ne peut pas rester à la marge de cette aventure car il se condamnerait à l’appauvrissement.  A travers cette livraison, j’exhorte le Président de la République du Bénin a fait rentrer le Bénin dans la grande Histoire africaine en ratifiant le traité de la Zlecaf.  

 

 

PS: Un grand merci au lecteur de ce blog qui m’a offert ce magnifique carnet de notes. Cela me touche beaucoup. 

 

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