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Ôte-toi de mon soleil

Ôte-toi de mon soleil

En lisant le livre Vies et doctrines des philosophes de l'Antiquité de Diogène Laërce, le doxographe principal de Diogène, vous découvrirez le fameux échange entre Alexandre le Grand et le philosophe qui est entré dans l'histoire. Le grand roi s'adressant à Diogène lui dit :

- Demande-moi ce que tu veux, je te le donnerai.

Et Diogène répondit :

- Ôte-toi de mon soleil. 

 

Cette réponse de Diogène m’a fait penser à la légende qui raconte que Louis XIV recevant une délégation d’armateurs de Saint-Malo leur demanda comment il pourrait les soutenir dans leur concurrence avec les anglais. Le chef des armateurs aurait répondu : « Sire, sire, surtout ne faites rien ! Vous nous avez assez aidés. »

 

La requête de l’industrie au gouvernement est aussi modeste que celle de Diogène à Alexandre : Ôte-toi de mon soleil. En d’autres termes, il faut laisser les entrepreneurs libres.

 

L’indispensable liberté économique.

 

La leçon des cinquante années de la discipline d’économie de développement nous enseigne qu’il n’y a pas de mode d’emploi pour le développement économique d’une nation. Chaque nation, dans sa singularité, trouve un moyen de combiner avec habileté ses dotations pour faire émerger un changement social. Y a-t-il un principe, un facteur, dépassant toutes les spécificités des pays, toutes conditions particulières, qui soit la cause de la richesse des nations ? Adam Smith, philosophe et économiste, a répondu à cette question. Il a affirmé “qu’en donnant à chacun la liberté de produire et d'échanger des biens comme il l'entend et en ouvrant les marchés à la concurrence nationale et étrangère, l'intérêt naturel des gens favoriserait une plus grande prospérité qu'avec des réglementations gouvernementales strictes.”  Alexis de Tocqueville a également apporté une réponse à la question posée :  “Je doute qu'on puisse citer un seul exemple de peuple exerçant à la fois la manufacture et le commerce, depuis les hommes de Tyr jusqu'aux Florentins et aux Anglais, qui n'ait pas été un peuple libre. Il doit donc y avoir un lien étroit et une relation nécessaire entre ces deux choses, c'est-à-dire entre la liberté et l'industrie.” La vérité est donc la suivante : la liberté économique est une condition indispensable à la croissance économique. Les récentes recherches académiques sur l’économie de développement soulignent que les pays à liberté économique élevée jouissent d’une croissance économique plus forte, d’un taux de pauvreté plus faible, d’un niveau de revenu plus élevé. Où en sont les pays africains en la matière ?

 

L’Afrique souffre du manque de liberté économique. Le think tank américain, The Heritage Foundation, publie chaque année un indice qui mesure la liberté économique dans 180 pays dans le monde, dont 51 pays africains : « index of economic freedom». Cet indice permet de classer les pays en cinq catégories en fonction du niveau de liberté économique. Les pays ayant enregistré les scores les plus élevés (entre 80 et 100) sont considérés comme économiquement « libres ». Suivent de façon décroissante, les économies « globalement libres », puis celles « modérément libres », ensuite celles avec « peu de liberté » économique, et enfin les pays dits économiquement « répressifs ». Sur le continent africain, il n’existe aucun pays “économiquement libre”. L’Ile Maurice et le Rwanda, respectivement 21ème et 33ème du classement, sont les deux pays africains considérés comme des économies “globalement libres”. Inutile de souligner la corrélation avec leur performance économique. Sur les 51 pays africains du classement, 41 sont considérés comme des économies "répressives" ou avec “peu de liberté”. Voilà ce qu’il faut monter en épingle ! Pour paraphraser l’économiste ghanéen George Ayittey, Africa is poor because She is not FREE

 

Soyons clairs. Une société marquée par la liberté mène toujours à l’enrichissement et au progrès économique et social. Mais, les adversaires de la liberté économique donnent toujours l’exemple de la Chine pour soutenir leur laide thèse du prohibitionnisme. 

 

Prenons le cas de la Chine. Il y a mille ans, à une époque où l'Europe était si peu considérée qu'elle était à peine digne d'attirer l'attention des pillards, les Chinois étaient déjà en possession de l'art de la navigation grâce à la boussole nautique, de la diffusion des connaissances par l'impression typographique et de l'utilisation de la poudre à canon. La dynastie des Song avait transformé la Chine en un empire ouvert et cosmopolite, florissant sur le plan commercial. Les érudits jouissaient de la liberté d'explorer de nouvelles connaissances, tandis que les entrepreneurs avaient la liberté d'expérimenter de nouveaux modèles économiques. La Chine était devenue un lieu où les talents les plus distingués et les idées les plus audacieuses se rencontraient, stimulant ainsi une croissance rapide et une floraison de l'innovation. Un fait pour s’en convaincre :  à la fin du XIe siècle, la production de fer en Chine égalait presque celle de l'ensemble de l'Europe au cours du XVIIIe siècle. La Chine des Song était sur le point d'amorcer une révolution industrielle. Pourquoi cela ne s'est-il pas concrétisé ? Parce que la dynastie Ming, arrivée au pouvoir en 1368, s’est présentée comme la gardienne de la stabilité et de l'ordre. Elle a abandonné l'innovation, interdit le commerce international et détruit la plus grande flotte que le monde ait jamais vue. Un empereur Ming a même décrété que les citoyens devaient restaurer leurs vêtements à ce qu'ils étaient 500 ans plus tôt. La seule chose accomplie par les Ming fut la Grande Muraille. Leur révolution anti-moderne fut le début d'un long déclin qui transforma la civilisation la plus avancée du monde en un pays misérablement pauvre, attaqué et humilié par les puissances européennes au 19e siècle.

Le paradoxe de la Chine d’aujourd’hui est qu’elle agit tantôt comme la dynastie des Song tantôt comme la dynastie Ming. Et, depuis l’arrivée de Xi Jinping au pouvoir en Chine, “l’attitude Ming” a pris le dessus. C’est pour ça que j’anticipe la fin de l’histoire en indiquant que le monde des 30 prochaines années sera un monde “post-Chine”. En termes nominaux, le PIB de la Chine représente désormais 66 % du PIB des États-Unis, contre 76 % en 2021. 

 

Ne l’oublions guère : la liberté économique est le meilleur terreau du développement. Honoré de Balzac avait raison de dire : « Tout gouvernement qui se mêle du commerce et ne le laisse pas libre entreprend une coûteuse sottise ».

 

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