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L'économie béninoise récompense-t-elle davantage le rentier que l'entrepreneur ?

L'économie béninoise récompense-t-elle davantage le rentier que l'entrepreneur ?

Une économie est saine quand elle rémunère davantage la prise de risque (l’entrepreneuriat) que l’esprit de rentier. Je ne dis, ici, rien de révolutionnaire. Un grand penseur l’a déjà dit, il y a 2000 ans : Jésus-Christ. Jésus-Christ, dans la parabole des talents, nous a offert une parabole économique avant l’heure. Il y souligne l’importance de mettre à profit ses ressources, de les faire fructifier. Cette parabole est une invitation à l’entrepreneuriat, à la prise de risque. Rappelez-vous : le maître ne loue pas celui qui a enfoui son talent dans la terre, préférant la sécurité à la prise de risque. Non, il récompense ceux qui ont fait fructifier ce qui leur a été confié, prenant des risques pour générer de la richesse.

 

L’économie n’est pas une science abstraite, mais bien l’étude de la manière dont les hommes s’organisent pour satisfaire leurs besoins. Au cœur de cette organisation, on retrouve deux figures emblématiques : l’entrepreneur, cet acteur qui crée de la valeur en innovant, en prenant des risques, et le rentier, celui qui vit des revenus d’un patrimoine acquis. L’histoire économique nous enseigne que les nations qui ont progressé le plus sont celles qui ont su encourager l’esprit d’entreprise. L’entrepreneur, en investissant son temps, son énergie et souvent son capital, crée de nouveaux produits, de nouveaux services, de nouveaux emplois. Il est le moteur de l’innovation, le catalyseur de la croissance. Il a en quelque sorte l'étincelle divine de la création. L’entrepreneur crée de la valeur ajoutée. Il transforme des ressources en biens et services qui répondent aux besoins des consommateurs. Le rentier, lui, se contente de percevoir des revenus à partir de son patrimoine sans pour autant créer de nouvelles richesses.

 

Imaginez, si vous le voulez bien, une économie comme un jardin. Les entrepreneurs en sont les jardiniers audacieux, prêts à planter de nouvelles semences, à expérimenter de nouvelles techniques, à braver les intempéries pour faire fructifier leur labeur. Les rentiers, quant à eux, sont comme ceux qui se contentent de cueillir les fruits des arbres déjà plantés, sans jamais risquer leurs mains dans la terre fertile, mais incertaine. Que se passerait-il si notre jardin économique récompensait davantage ceux qui se contentent de cueillir que ceux qui osent planter ? N'est-il pas évident que bientôt, le jardin se retrouverait dépourvu de nouvelles pousses, condamné à l'appauvrissement et à la stagnation ?

 

La rentabilité du capital investi est la récompense pour avoir pris un risque. Lorsqu’un entrepreneur injecte du capital dans un projet, il assume l’incertitude des résultats. Il existe toujours une possibilité d’échec. Cependant, en contrepartie, la réussite peut offrir des rendements bien supérieurs aux investissements sans risque. Ce mécanisme est fondamental dans une économie dynamique : les acteurs qui prennent des risques et innovent doivent être récompensés de manière proportionnelle à leur prise de risque, sous peine de décourager l’initiative privée. À l’opposé, les placements sans risque, souvent associés à des rendements plus faibles, ne génèrent généralement pas de valeur supplémentaire pour la société. Le capital est investi de manière passive, sans création directe d’emplois, d’innovation ou d’enrichissement collectif. Ces placements peuvent inclure des obligations d’État, des dépôts bancaires à taux fixe, ou des investissements dans des actifs stables comme l’immobilier de rente. Si ces types de placements ont leur rôle, il est essentiel qu’ils ne soient pas systématiquement favorisés par rapport aux investissements à risque.

Examinons maintenant le cas du Bénin. La question est claire : Du rentier ou l’entrepreneur, qui est le mieux rémunéré par l’économie béninoise ? Pour ce faire, nous devons comparer le rendement du capital investi dans l'entrepreneuriat à celui des placements sans risque. 

Faisons un calcul de coin table. Selon les données de la Banque Mondiale, le taux de rendement moyen du capital investi dans le secteur privé au Bénin était d'environ 12% en 2023 (évidemment, en fonction du secteur, le rendement du capital investi varie). Ce chiffre, bien que prometteur, doit être mis en perspective avec les risques encourus par les entrepreneurs. En comparaison, les bons du Trésor à 5 ans émis par l'État béninois offraient un taux d'intérêt d'environ 6,5% en 2023. Un placement sûr, garanti par l'État, sans le moindre effort ni risque pour l'investisseur. À première vue, on pourrait se réjouir : l'entrepreneuriat semble offrir une prime de risque de 5,5 points de pourcentage. Mais est-ce vraiment suffisant ? Non, car il faut rajouter au calcul la probabilité d’échec de l’entrepreneur. Permettez-moi d'attirer votre attention sur un chiffre : le taux d'échec des entreprises au Bénin dans leurs cinq premières années d'existence est d'environ 60%. Cela signifie que pour chaque entrepreneur qui réussit, 1,5 échouent, perdant potentiellement tout leur investissement. Soit le calcul suivant : si nous prenons 100 entrepreneurs investissant chacun 1 million de FCFA, 40 réussiront, gagnant 12% sur leur investissement, soit 120 000 FCFA chacun. Les 60 autres perdront leur mise. Le gain total pour ces 100 entrepreneurs sera donc de 4,8 millions de FCFA, soit un rendement moyen réel de 4,8% sur l'ensemble des capitaux investis. Comparons maintenant avec 100 rentiers investissant la même somme dans des bons du Trésor. Leur gain total, sans risque et sans effort, serait de 6,5 millions de FCFA. 

La conclusion est aussi claire que troublante : dans l'état actuel des choses, l'économie béninoise rémunère mieux le rentier que l'entrepreneur ! Bien sûr, le raisonnement ci-dessus est perfectible. On pourrait évaluer le phénomène secteur par secteur ou branche par branche. Toutefois, le fait observé à l’échelle macro (sur l’ensemble de l’économie) ne sera pas démenti. 

 

Si l’on analyse les tendances actuelles de l’économie béninoise, il est indéniable que l’épargne et les investissements dans des secteurs sans risque, comme l’immobilier ou les obligations d’État, sont souvent plus attractifs pour les investisseurs que les secteurs à forte prise de risque. Cependant, cette dynamique, si elle perdure, pourrait freiner le développement économique du pays. Pour croître de manière durable, le Bénin doit impérativement inverser cette tendance. L’entrepreneur, celui qui crée de la valeur, qui innove, qui emploie, doit être davantage soutenu et récompensé que le rentier qui se contente de placements sans risque. Cela passe par une refonte des politiques de financement, une amélioration de l’environnement des affaires, et une prise de conscience collective de l’importance de l’innovation pour la croissance.

 

En conclusion, l’économie béninoise, pour véritablement se développer, doit rémunérer plus généreusement l’esprit d’entreprise que l’accumulation passive de capital. Il ne s’agit pas de stigmatiser les investissements de rente, qui ont leur utilité dans la stabilité de l’économie, mais de rétablir un équilibre. Comme dans la parabole des talents, c’est en récompensant ceux qui prennent des risques que la société dans son ensemble prospérera. Le Bénin a un potentiel immense, mais il ne sera pleinement réalisé que si ses entrepreneurs sont placés au cœur du système économique, avec les outils et les incitations nécessaires pour réussir.



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