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Le FMI et la déglobalisation : une analyse erronée ?

Le FMI et la déglobalisation : une analyse erronée ?

16 janvier 2023. Kristalina Georgieva, directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) depuis le 1er octobre 2019, publie une note sur le blog du FMI. Dans cette note, elle alerte sur un phénomène qu’elle nomme ‘la fragmentation géoéconomique’ qui pourrait menacer la croissance économique mondiale. “Les estimations du coût de la fragmentation tirées d'études récentes varient considérablement. Le coût à long terme de la seule fragmentation des échanges pourrait aller de 0,2 % de la production mondiale dans un scénario de fragmentation limitée à près de 7 % dans un scénario sévère, ce qui équivaut à peu près à la production annuelle combinée de l'Allemagne et du Japon. Si l'on ajoute le découplage technologique, certains pays pourraient subir des pertes allant jusqu'à 12 % de leur PIB.

En clair, la directrice du FMI prend acte de la déglobalisation (fragmentation géoéconomique) et en livre les conséquences pour l’économie mondiale. D’abord, la question de la déglobalisation n’est pas nouvelle. Elle attire de plus en plus l’attention, comme le montre la figure ci-dessous.

 

 



La réalité de la déglobalisation est livrée par la figure suivante : 

 



Bien qu'il y ait peu de signes clairs de fragmentation dans les données commerciales (en dehors des pays et entités sanctionnés), le nombre de mesures protectionnistes augmente. Les données de la base de données Global Trade Alert montrent un nombre croissant de restrictions commerciales imposées par les pays, notamment dans les secteurs de haute technologie qui sont probablement liés à la sécurité nationale ou à la concurrence stratégique. Par ailleurs, la crise russo-ukrainienne ainsi que la crise sanitaire Covid-19 ont aggravé la situation de démondialisation. 

 

Ce que je veux défendre dans ce billet est : le FMI est victime du "syndrome de la perspective étroite" dans l’appréciation de la situation du commerce international. 

 

Pour ce faire, il nous faut scander les siècles en faisant un peu d’histoire.

 

Avant 1453, Constantinople était un carrefour commercial crucial reliant l'Europe à l'Asie, contrôlant l'accès à la mer Méditerranée et servant de point de départ pour la route de la soie terrestre. Elle était une plaque tournante essentielle du commerce entre l'Europe et l'Orient. Située sur le détroit du Bosphore, reliant la mer Noire à la mer Méditerranée, la ville contrôlait le passage des marchandises précieuses en provenance d'Asie, comme les épices, la soie et les textiles. Cette situation lui conférait une importance économique et géopolitique majeure, faisant d'elle un centre d'échanges et de richesse convoité par les puissances de l'époque. L'importance de Constantinople dans le commerce médiéval et pré-moderne était indéniable.

Mais, le 29 mai 1453, les Ottomans prennent le contrôle de Constantinople et mettent fin à l'Empire byzantin. Les Ottomans, conscients de l'importance stratégique de Constantinople pour le commerce, ont cherché à tirer parti de leur nouveau contrôle sur la ville pour renforcer leur position économique et politique dans la région. Le contrôle ottoman sur Constantinople et les détroits a coupé les Européens de leurs routes commerciales traditionnelles vers l'Orient, perturbant l'approvisionnement en produits de luxe et menaçant les économies des cités marchandes italiennes. Les Ottomans ont imposé des taxes élevées aux Européens qui souhaitaient commercer via leurs territoires, augmentant le coût des produits orientaux et limitant la rentabilité des échanges. L'Empire ottoman a fermé ses marchés aux Européens, limitant l'accès aux produits et aux ressources orientales et freinant l'expansion du commerce international. Et là, on peut imaginer une Kristalina Georgieva de l’époque, présente à Constantinople, faisant une note pour expliquer qu’il y avait un phénomène de “démondialisation” ou de “fragmentation géoéconomique”. Elle aurait eu raison, mais partiellement ! Car, pour quelqu’un (appelons-le, Motali) vivant en Angleterre, au Portugal ou dans un pays côtier africain, l’idée de “fragmentation économique” l’aurait fait hurler de rire. Pourquoi ? Parce que la chute de Constantinople aux mains des Ottomans a été le début d'une nouvelle ère d'exploration et d'expansion pour les Européens. Cela a conduit à l'ère des grandes découvertes et à l'exploration de nouveaux horizons par des navigateurs européens tels que Christophe Colomb, Vasco de Gama et Ferdinand Magellan. Ces explorateurs ont ouvert de nouvelles voies maritimes vers les Indes et l'Asie, contournant ainsi l'Empire ottoman et redéfinissant les routes commerciales mondiales. Donc, pour Motali, non seulement il n’y a pas de fragmentation géoéconomique mais la mondialisation s’accélère !

 

 

Revenons à la période actuelle. Que voit Motali s’il se situe dans un pays autour du bassin indo-pacifique ? Il voit ceci : 

 

 

Les pays émergents commercent beaucoup plus en eux. Il y a eu une accélération soudaine des échanges commerciaux entre les marchés émergents ces dernières années. 

 

De plus, notre cher Motali constate aussi ceci : 

 

 

La montée en puissance de la Chine en tant que premier exportateur mondial de véhicules automobiles en l'espace de seulement cinq ans est une performance incroyable. Ces voitures exportées par la Chine ne sont pas destinées aux États-Unis ni même à l'Europe. Elles sont principalement écoulées en Asie du Sud-Est, au Moyen-Orient, en Amérique latine, entre autres régions.

 

Motali observe ceci également : 

 

Le commerce entre la Russie et la Chine ou l’Inde se porte à merveille. Il a connu une augmentation spectaculaire depuis que les pays occidentaux ont adopté des sanctions économiques pour faire effondrer l’économie russe. 

 

Pour conclure, de même que la chute de Constantinople aux mains des Ottomans n’a pas été la fin des échanges commerciaux mais au contraire une accélération de la mondialisation, les risques de fragmentation géoéconomique ne seront qu’un facteur d’accélération de la mondialisation. 

 

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