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De l’importance de l’État de droit pour la prospérité d’une nation

De l’importance de l’État de droit pour la prospérité d’une nation

Dans toute discussion sur la croissance économique moderne, le concept d'État de droit joue un rôle crucial. Les économistes Daron Acemoglu et James Robinson ont démontré dans leur livre Why Nations Fail l’importance de l’État de droit comme un ordre politique et économique inclusif dont l’absence explique l’échec des nations.  À partir de calculs savants, des recherches de la Banque mondiale indiquent qu'une augmentation d'un écart-type de l'indice de l'État de droit (Rule of law index) accroît le PIB de 300 %. L'importance de l'État de droit dans le développement économique a gagné une reconnaissance mondiale. Essayons de comprendre ce fait.

 

Faisons un pas en arrière : d’où vient l'État ? L'ouvrage fondateur de Friedrich Engels, "L'Origine de la famille, de la propriété privée et de l'État" (1884), nous offre une théorie captivante de la genèse de l'État, dégagée ici de son militantisme marxiste.

 

Au commencement était la famille, cellule primitive de la société. Ici, la production est collective, la propriété commune et les liens entre membres sont fondés sur le sang et le mariage. La Communauté Primitive (Gens) représente une étape ultérieure. Ce groupe, plus large que la famille, est uni par des liens de parenté, partageant une identité et des droits communs. La Gens, véritable unité sociale tissée de liens familiaux et tribaux, exploite collectivement les moyens de production, excluant toute notion de propriété privée sur la terre. L'organisation sociale est empreinte d'une relative égalité. Poussée par la croissance démographique et des besoins croissants, la société Primitive évolue vers la Communauté de Village (Communisme Primitif). Les relations sociales se complexifient, tout en préservant la propriété commune des moyens de production. Cependant, la division du travail et l'émergence de la propriété privée sur des éléments clés, comme la terre, engendrent une société infiniment plus complexe. Les liens familiaux et tribaux ne suffisent plus à la structurer. C'est dans ce contexte que l'État naît, répondant à la nécessité de garantir la propriété privée et de maintenir l'ordre social. Il s'impose comme un appareil institutionnel chargé de codifier et légitimer les relations entre les individus d'une communauté politique, tout en organisant la force publique. Selon Max Weber, l'État se distingue par sa capacité à détenir le monopole de l'exercice légitime de la force physique au sein d'un territoire donné. Cette légitimité découle de l'acceptation par la société du droit de l'État à utiliser la force pour maintenir l'ordre. Quant au monopole de la violence, il s'avère indispensable pour éviter l'anarchie et la loi du plus fort qui résulteraient d'une utilisation privée de la force pour faire respecter ses droits. Ainsi, l'État, fruit d'une longue évolution sociale, s'affirme comme une institution centrale dans l'organisation des sociétés modernes. Sa capacité à garantir l'ordre, à codifier les relations et à détenir le monopole de la force physique lui confère un rôle crucial dans le fonctionnement des communautés politiques.

 

Le lecteur attentif voit déjà pointer un énorme danger. Ce danger est la GRANDE question de la science politique. Le danger est le suivant : Comme les individus ont collectivement accepté d’accorder le monopole de la violence légitime à l’État, comment peuvent-ils se protéger de ce même État qui peut abuser de son monopole ? "Un peuple n'a qu'un ennemi dangereux, c'est son gouvernement." disait Antoine de Saint-Just. 

Afin de s’assurer de sa protection contre l’abus de l’État, la société impose à l’État d’agir en suivant une pratique juridique qu’il est convenu d’appeler un « État de droit ». La société politique fonctionne sous le règne du droit. L'État de droit est un système de législation et de juridiction régissant la société, État y compris.

En substance, l'État de droit repose sur des principes fondamentaux :

  • Suprématie de la loi : La loi s'applique à tous, sans distinction de statut ou de pouvoir.

  • Égalité devant la loi : Tous les individus sont égaux en droits et en devoirs devant la loi.

  • Séparation des pouvoirs : Les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire sont distincts et indépendants les uns des autres.

  • Indépendance de la justice : Le système judiciaire est impartial et libre de toute influence extérieure.

  • Respect des droits de l'homme : Les libertés fondamentales et les droits humains sont garantis et protégés.

 

À partir de là, il est aisé de démontrer en quoi l'État de droit est un pilier essentiel de la prospérité économique.

Premièrement, l'État de droit agit comme un garant de la stabilité politique. En établissant des règles et des institutions claires qui régissent le comportement des gouvernements, des entreprises et des individus, il réduit l'incertitude, un frein majeur à l'investissement. Les acteurs économiques, confiants dans la pérennité des règles du jeu et protégés contre les aléas du pouvoir arbitraire, sont davantage enclins à s'engager sur le long terme.

Deuxièmement, l'État de droit stimule l'innovation en garantissant la protection des droits de propriété intellectuelle. Les entreprises et les inventeurs, assurés que leurs idées et créations seront protégées par la loi, sont encouragés à investir dans la recherche et le développement. Cette protection nourrit la concurrence, stimule la créativité et conduit à des avancées technologiques qui alimentent une croissance économique soutenue.

Troisièmement, l'État de droit promeut un climat d'affaires équitable et transparent en garantissant l'égalité devant la loi. Lorsque les entreprises et les individus ont foi dans l'impartialité du système judiciaire pour régler les litiges, ils sont plus enclins à investir et à participer activement à l'économie. De plus, un système juridique efficace permet de résoudre rapidement les différends commerciaux, favorisant ainsi la fluidité des transactions et stimulant la croissance économique.

 

En somme, l'État de droit ne sert qu’à produire un matériau essentiel pour toute société : la confiance. En 1972, le prix Nobel d’économie Kenneth J. Arrow affirmait : « pratiquement toutes les relations commerciales contiennent un élément de confiance », avant d’ajouter « on peut raisonnablement avancer qu’une grande part du retard économique constaté dans le monde peut s’expliquer par un manque de confiance mutuelle ». 

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