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De l'histoire, nous apprenons que nous n'en apprenons rien

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"De l'histoire, nous apprenons que nous n'en apprenons rien." Hegel

 

Que le lecteur veuille bien considérer l’image suivante :

Le 14 mai 2024, le président des  États-Unis, Joe Biden a annoncé sur X une série de taxes sur les importations chinoises. Dans le détail, les droits de douane seront relevés cette année de 25% à 100% pour les véhicules électriques (VE), de 7,5% à 25% pour les batteries lithium-ion destinées aux VE et les composants de batterie et de 25% à 50% pour les cellules photovoltaïques utilisées dans les panneaux solaires et les semi-conducteurs. Des droits de douane de 25% seront imposés à "certains" minéraux critiques. "La Chine a recours à la stratégie qui a permis sa croissance au détriment de celle des autres : continuer d'investir malgré des capacités de production excessives et inonder les marchés mondiaux d'exportations dont les prix sous-évalués reposent sur des pratiques injustes", a déclaré la principale conseillère économique de la Maison blanche, Lael Brainard. Le sophisme du gâteau à taille fixe quand il s’agit de la croissance économique est largement employé par Mme Lael Brainard. M’enfin, le plus cocasse est ailleurs. Le même Joe Biden, en 2019, critiquait Donald Trump qui avait décidé d’augmenter les barrières tarifaires dans le commerce sino-américain. Je vous laisse lire sur l’image ci-dessus la JUSTE critique de Joe Biden. Le mystère est le suivant : Sachant que le président Joe Biden est au courant de l’inexorable résultat du protectionnisme, pourquoi décide-t-il une telle politique commerciale ?

J’ai trouvé une réponse possible dans le passage suivant du livre La fin de l’histoire et le dernier homme de Francis Fukuyama : 

 

Une fois habitués à un progrès, les dirigeants du monde occidental tournent le dos à ce qui a fait la prospérité de l’Occident, à savoir la liberté économique. Arnold Toynbee a bien raison de conclure son ouvrage « A study of History » en disant : Les civilisations ne sont pas assassinées, elles se suicident

 

Tourner dos à la liberté économique, c’est quelque chose que la Chine a expérimenté. Il y a mille ans, à une époque où l'Europe était si peu considérée qu'elle était à peine digne d'attirer l'attention des pillards, les Chinois étaient déjà en possession de l'art de la navigation grâce à la boussole nautique, de la diffusion des connaissances par l'impression typographique et de l'utilisation de la poudre à canon. La dynastie des Song avait transformé la Chine en un empire ouvert et cosmopolite, florissant sur le plan commercial. Les érudits jouissaient de la liberté d'explorer de nouvelles connaissances, tandis que les entrepreneurs avaient la liberté d'expérimenter de nouveaux modèles économiques. La Chine était devenue un lieu où les talents les plus distingués et les idées les plus audacieuses se rencontraient, stimulant ainsi une croissance rapide et une floraison de l'innovation. Un fait pour s’en convaincre :  à la fin du XIe siècle, la production de fer en Chine égalait presque celle de l'ensemble de l'Europe au cours du XVIIIe siècle. La Chine des Song était sur le point d'amorcer une révolution industrielle. Pourquoi cela ne s'est-il pas concrétisé ? Parce que la dynastie Ming, arrivée au pouvoir en 1368, s’est présentée comme la gardienne de la stabilité et de l'ordre. Elle a abandonné l'innovation, interdit le commerce international et détruit la plus grande flotte que le monde ait jamais vue. Un empereur Ming a même décrété que les citoyens devaient restaurer leurs vêtements à ce qu'ils étaient 500 ans plus tôt. La seule chose accomplie par les Ming fut la Grande Muraille. Leur révolution anti-moderne fut le début d'un long déclin qui transforma la civilisation la plus avancée du monde en un pays misérablement pauvre, attaqué et humilié par les puissances européennes au 19e siècle. Le renouveau économique de la Chine a commencé avec le retour de la liberté économique imposé par Deng Xiaoping.

 

Revenons aux USA. En 2009, à la suite des pressions exercées par plusieurs syndicats, le président américain, Barack Obama, a fixé les tarifs douaniers à 35 % (4% anciennement) sur les pneus de voitures et de camions fabriqués en Chine. Tout le monde crie au génie. Obama va protéger les emplois industriels dans la confection des pneus aux  États-Unis. En effet, grâce au protectionnisme, il a sauvé 1200 emplois dans l’industrie pneumatique. Sauf que le prix des pneus a augmenté.  Étonnant ? Non, c’est même le but ! Quand les athlètes de la doctrine de protection mettent en application leur désir, c’est pour faire monter les prix. Donc, le consommateur américain a payé ses pneus plus chers. On estime la perte de pouvoir d’achat des Américains à 1 milliard de dollars. Certes, on a sauvé 1200 emplois mais de l’autre côté, cela a coûté 1 milliard de dollars aux citoyens américains. C’est un choix politique et non économique. Le bon calcul économique procède par une analyse coût-bénéfice. Un milliard $ pour 1200 emplois “sauvés”. Donc chaque emploi “sauvé” coûte un peu plus de 830000$ par an soit 69166$ par mois. Imaginons le scénario suivant. Le président Obama n’aurait pas choisi un régime protecteur. Dans ce cas, on peut supposer que 1200 ouvriers perdent leur emploi. Imaginons encore qu’à chaque ouvrier ayant perdu son emploi, l’on accorde une allocation chômage de 69166$ par mois. Le lecteur voit déjà où je veux en venir. Le scénario hypothétique est équivalent à la politique protectionniste de Obama dans ses conséquences. L’autre conséquence invisible de la politique protectionniste de Obama, c’est que des emplois dans d’autres secteurs ont été détruits.

 

Compte tenu du soft-power des  États-Unis, son tournant protectionniste risque d’inspirer d’autres pays. Il n’a jamais été aussi urgent de défendre la liberté économique. Je veux rappeler ceci : l’échange est le socle du développement des sociétés humaines. C’est peut-être une vérité de La Palice mais, parfois, “il faut beaucoup de philosophie pour observer les faits qui sont trop près de nous” (Rousseau). Cette vérité est tellement ancrée dans nos habitudes que nous n’y faisons plus attention. Imaginez une société sans échange : y vivre est un calvaire absolu. Manger quelque chose de banal comme un sandwich demande un effort considérable. Pourquoi ? Parce que vous devez (1) réaliser un potager où planter tous les légumes nécessaires (cornichons, tomates, oignons…), (2) prélever de l’eau de mer afin d’en récolter le sel, (3) mettre les cornichons mûrs en bocal fabriqué par vous-même, (4) traire une vache pour réaliser votre propre fromage et votre beurre fait maison, (5) récolter du blé qui a ensuite été moulu et transformé en farine, (6) recueillir du miel qui a été incorporé dans le pain, (7) réaliser son propre pain, (8) tuer une poule, puis l’apprêter et enfin (9) assembler le sandwich. D’ailleurs, un Américain appelé Andy George s’est essayé à l’exercice. Pour réaliser le sandwich, cela lui a coûté 1500 $ et 6 mois de préparation avec un résultat que lui-même qualifie de not bad ! Dans un monde où les échanges sont possibles, cela lui aurait coûté au maximum 1 heure de travail pour gagner 10 $ afin de payer son sandwich. 

 

Je doute qu'on puisse citer un seul exemple de peuple exerçant à la fois la manufacture et le commerce, depuis les hommes de Tyr jusqu'aux Florentins et aux Anglais, qui n'ait pas été un peuple libre. Il doit donc y avoir un lien étroit et une relation nécessaire entre ces deux choses, c'est-à-dire entre la liberté et l'industrie.” écrivait, à juste titre, Alexis de Tocqueville. La vérité est donc la suivante: la liberté économique est une condition indispensable à la croissance économique. Les récentes recherches académiques sur l’économie de développement soulignent que les pays à liberté économique élevée jouissent d’une croissance économique plus forte, d’un taux de pauvreté plus faible, d’un niveau de revenu plus élevé.

Honoré de Balzac avait raison de dire : « Tout gouvernement qui se mêle du commerce et ne le laisse pas libre entreprend une coûteuse sottise ». Que cette leçon ne s’éloigne point de la bouche des décideurs, voilà ma prière. Mais, le pessimisme de l'intelligence me fait revenir à cette phrase de Hegel : "De l'histoire, nous apprenons que nous n'en apprenons rien."

 

 

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