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De la main-d’œuvre au cerveau-d’œuvre

De la main-d’œuvre au cerveau-d’œuvre

Autrefois, quand on parlait d’industrie, on évoquait par-là, des machines à vapeur, des cheminées de fumée, des bruits assourdissants, des machines électriques et surtout des ouvriers à la tâche que l’on désigne sous le vocable de « main-d'œuvre ». Mais aujourd’hui, quand on évoque l’industrie, on désigne des robots, pilotés par des ouvriers au moyen d'ordinateurs connectés à des réseaux de communication, qui automatisent des lignes de production.

 

Le fait majeur de l’informatisation de l’appareil productif est : les tâches répétitives et systématiques sont automatisées. Que reste-t-il donc à l’ouvrier ? Des tâches non répétitives. Des tâches qui demandent de la créativité, du bon sens, de l’initiative ou du discernement. Ainsi, l’ouvrier ne travaille-t-il plus avec sa main mais avec son cerveau : l'emploi passe de la main-d’œuvre au cerveau-d’œuvre. La symbiose entre le cerveau humain et l’automate programmable constitue le cerveau-d'œuvre. L’automate programmable réalise les tâches répétitives et l’ouvrier contrôle ce processus et les activités tertiaires de l’entreprise. Le cerveau humain devient ainsi une ressource naturelle pour l’économie numérique. 

 

Dans les années 1800, un atelier de fabrication de voitures abritait des ouvriers qui montaient de A à Z les différentes pièces des voitures et les assemblaient. De nos jours, ce sont des robots qui montent et assemblent les éléments constitutifs des voitures avec des ouvriers contrôlant les lignes de production automatisées et la qualité du produit final. Le diagnostic des voitures en cas de panne se fait à l’aide d’un ordinateur car l'œil du réparateur, aussi expert qu’il soit, n’est plus suffisant ; les voitures ayant été informatisées. Le changement des caractéristiques d’une voiture se résume, désormais, à une mise à jour logicielle. Ce fait n’est pas le monopole de l’industrie d’automobile. Les industries manufacturière, agroalimentaire, pharmaceutique ont connu ce basculement. Les drones, les capteurs, les objets connectés, les robots et les solutions GPS embarquées sont déjà largement répandues et adoptées par les coopératives agricoles. L’exploitation de grandes masses de données agricoles permet une agriculture de précision et aide les agriculteurs à avoir une longueur d’avance. A l’ère du numérique, l’employé est invité à prendre de l’initiative. Les emplois se concentrent sur les activités qui requièrent la prise d’initiative ou l’anticipation. Les activités d’ingénierie d’affaires, de recherche et développement, de stratégie, de relations avec les fournisseurs et les clients, de marketing constituent autant de domaines où l’humain reste nécessaire. Nul ne peut parfaitement automatiser les relations avec ses clients par exemple. Même les pure players disposent d’un numéro de service avec une personne compétente au bout du fil pour répondre aux besoins des clients. La stratégie d’une entreprise reste à la charge de son dirigeant ou de l’équipe qui en a la charge. Le design des produits est confié aux designers qui, bien qu’ils utilisent des logiciels de design, restent indispensables. Dans les entreprises, toutes les activités qui anticipent le futur ou qui consistent à maintenir une relation avec l’extérieur ne peuvent être entièrement automatisées.

 

L’économie numérique est une économie de la compétence. L’économie digitale redéfinit les attributs des êtres humains et appelle de nouvelles compétences. Des ingénieurs en microélectronique, des développeurs informatiques, des ingénieurs d’affaires, des responsables de service après-vente, des directeurs de systèmes d’information, des analystes de données, etc… tant de compétences nécessaires à l’informatisation des sociétés africaines. Ces compétences représentent un savoir-faire ; ce qui pose la question de la nécessité de réformer le système éducatif en Afrique. Le système éducatif africain, hérité essentiellement de la colonisation, est celui qui produit des concepts théoriques, qui éduque à l’abstraction et la logique. Il a permis de former d’éminents hommes d'Etat, chefs d’entreprises et dirigeants jusqu’à la fin du 20ème siècle. Mais, il doit être réformé car il ne s’agit plus de remplir des cerveaux mais de produire des connaissances orientées vers l’action, la production. Educatio, dérivé de ex-ducere, peut se traduire par faire développer chez un humain ses facultés à agir. L’Afrique a besoin d’un système éducatif qui produit des compétences et pas seulement des connaissances. Il y a environ sept cent mille développeurs informatiques sur l’ensemble du continent dont la moitié est concentrée sur cinq pays (Afrique du Sud, Égypte, Maroc, Nigeria, Kenya) ; ce qui est relativement peu en regard du milliard de personnes vivant sur le continent.

 

Il n’y a pas d’alternative pour réussir la digitalisation du continent africain. Il faut enseigner les bases de l’informatique très tôt dans les cursus scolaires et permettre aux personnes déjà sur le marché de travail de réaliser des reconversions professionnelles vers le secteur du digital s’ils le souhaitent. Ce faisant, le capital humain se trouvera considérablement dopé et adapté à l’économie du 21ème siècle. L’économie numérique est une économie de la compétence. On passe de la main-d'œuvre au cerveau-d'œuvre.

 

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